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9 février 2021 à 12:03:10

TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN | 15 SEPTEMBRE 1990 | Par GUY LABERTIT

COTE D'IVOIRE: BRISER LA PEUR

Un entretien avec Sangaré Abou, Secrétaire général adjoint du FPI.

Climat tendu en Côie-d1voire. Deux marches pacifiques de l'opposition ont été sévèrement réprimées les 31 août et 6 septembre derniers. La France officielle, représentée à la consécration contestée de la
basilique de Yamoussoukro par le ministre Jacques Pelletier et Jean-Christophe Mitterrand, conseiller à l'Elysée, peut difficilement laisser croire qu'elle se contente d'observer. D'autant que, répondant en août a une invitation personnelle d'Houphouët-Boigny, le général Lacaze, ancien chef d'état-major des armées françaises est selon Fraternité Matin, « venu apporter son expérience à la réorganisation des FANCI»
( armée ivoirienne). Dans le même temps, le groupe Bouygues s'est- assuré le monopole de l'électricité
- après celui de l'eau fin 1988 - jusque là .entre les mains de l'Etat ivoirien. A J'approche des élections
générales, c'est dans ce contexte que Je Front populaire ivoirien (FPI), principale force d'opposition
tient son congrès à Abidjan du 14 au 16 septembre. Son secrétaire général adjoint, Sangaré Abou a bien voulu répondre à nos questions.

COTE D'IVOIRE: BRISER LA PEUR
  • Vous êtes président du Comité d'organisation du congrès du FPI. Pouvez-vous d'abord nous parler du thème de ce congrès qui est : « Du multipartisme à la démocratie » ?

- C'est le premier congrès ordinaire du FPI et nous avons choisi ce thème parce que, pour nous, le multipartisme n'est qu'une étape vers démocratie. On peut être multipartisan au niveau des mots sans l'être au niveau du comportement et du fonctionnement. Nous sommes pour une démocratie etfective

en Côte-d'Ivoire.


  • Dans cette phase, pouvez-vous nous donner quelques exemples des obstacles à la démocratie qui se manifestent aujourd'hui pour vous en Côte-d'Ivoire ?

- Ces obstacles sont légion depuis la proclamation officielle du multipartisme le 3 mai 1990. Le gouvernement PDCI et je tiens à cette formule car s'il n'y a pas de parti-Etat dans les textes,  dans les faits il y en a un le gouvernement PDCI donc, depuis cette date, fait tout pour faire obstruction à l'évolution vers la démocratie. Je citerai le cas du émoupremier meeting de la coordination des  quatre partis, FPI, PSI, PIT, USD, (1) ressortisqui s'est tenu à Korhogo le 23 Juin: des «loubards» (2) ont été dépêchès sur place, nos militants ont été agressés. A Bonoua, le 14 juillet, ce furent les grenades lacrymogènes de l'armée puis les intimidations d'Agboville. Sur le terrain, mais aussi auprès des fonctionnaires, le PDCI essaie d'intimider. Aujourd'hui, il n'a plus que le langage de la peur pour pouvoir se maintenir au pouvoir.


  • Vous évoquez une coordination entre le FPI, le PSI, le PIT et l'USD. Pouvez-vous faire le point sur le fonctionement de cette coordination? ·

- Ces partis constituent pour nous l'opposition saine parce qu'un certain nombre de partis ont été montés de Coopératoutes pièces pour donner une image Jeanpeu crédible ,des partis d'opposition. Dès la proclamation du multipartisme,  le FPI a pris l'initiative. de réunir ces differents partis · pour asseoir les bases d'une action commune. Le FPI était le premier parti à demander la fusion de ces organisations de la coordination. Ce principe a été admis mais les modalités estent encore à trouver pour parvenir à cette fusion.


  • Revenons â votre congrès. Quels sont les Objectifs essentiels que vous  lui assignez ?

- Ce congrès, puisque nous n'avons pas les médias de notre côté sera un  moyen de mieux faire connaître nos propositions · pour gouverner. Nous sommes actuellement le seul, le premier parti en Côte-d'Ivoire à avoir mis sur la scène politique un programme de gouvernement. Le PDCI lui-même n'en a jamais eu. Notre deuxième objectif est la restructuration du parti car nous avons actuellement des structures héritées de la clandestinité et il nous faut les adapter  à la situation actuelle ; nous en avons besoin pour· faire face aux échéances futures. 


  • A ce propos, où en est l'implantatlon et la structuration du FPI ? 

- Aujourd'hui, · le FPI a une très bonne implantation. Depuis 1982, nous sommes sur le terrain et nous avons plus  de cent-cinquante sections dans le pays, regroupant chacune des comités de base. Au-dessus des sections se trouve le secrétariat général mais, lors de notre congrès, nous proposerons la mise en place de fedérations à partir de dix grandes régions. 


  • Combien d'adhérents cela  représente-t-il ?

- Nous pouvons estimer àujourd'hui nos etfectifs à 300 000. C'est une estimation aû vu des cartes· placées effectivement Certains, hèsitent encore face aux intimidations qui font obligation de prendre la carte au PDCI. L'estimation de 300 000 est unè base .minimale.


  • Le PDCI-RDA contrôle, l'appareil d'Etat depuis plus de trente ans en tant que parti unique. Le recours  au suffrage universel n'est donc pas sans risques poùr des partis qui viennent tout juste d'arracher le droit de s'exprimer au grand jour. Quelle sera donc votre stratégie en matière électorale ?

- C'est le grand problème car le PDCI sait qu'il a perdu la face et il cherche à frauder .Notre préoccupation essentielle est d'avoir des élections propres, des élections  justes,  honnêtes. Dans cet esprit, nous avons adressé le 2 août; au niveau des quatre partis, une lettre au Président de la République lui demandant la misé en place d'un gouvernement de transition spécialement chargé. d'organiser les élections. Nous avons actuellement, au FPI, une commission èlectorale qui fera, lors de notre congres, un certain nombre e proposition. Nous nous battrons pour un scrutm a eux tours, c est tres important,dans notre démarche.

Attention aux trucages

  • Est-ce à dire que vous  ne participeriez pas à un scrutin organisé par un gouvernement PDCI ? 

- Nous  allons prochainement aviser, mais il n'est pas question pour nous d'accepter un tel cadre. Nous tenons à ce gouvernement de transition car nous ne voulons pas être frustrés de notre victoire. Nous savons que le peuple ivoirien est, dans sa majorité, favorable au FPI et il serait dramatique d'être minoritaires à partir de trucages,' alors que nous savons que  nous sommes majoritaires en Côte-d'Ivoire. Nous ferons tout pour que le PDCI ne reste pas maitre du jeu pour l'organisation de ces élections.


  • Queis sont selon vous les voies et moyens pour faire aboutir cette éxigence de gouvernement de transition?

_ Par notre lettre du 2 août au président de la République nous avons utilisé la voie du dialogue même si ce mot est galvaudé en côte d'Ivoire. Mais Nous attendons  toujours sa  rèaction. Nous aviserons  puisqu'il faudra qu'au niveau des instances du FPI comme de la coordination des quatre nous lancions  un mot d'ordre. Nous en discuterons  au congrès et adapterons  notre position à l'évolution du PDCI sur cette question.


Propos reccueillis à Abidjan  par Guy LABERTIT


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(1) PSI: 'Parti socialiste ivoirien.  PIT: Parti ivoirien des travailleurs.  USD :  Union  des sociaux, démocraies.

(2) Appellation officielle des jeunes desoeuvrés utilisés par le PDCL.


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